Dialogue on the Threshold

Schwellendialog

12 October 2021

Le rêve éveillé

[C]hez l'homme normal le rêve éveillé (ce grand méconnu) existe à l'état presque constant. Même pendant la conversation avec notre semblable, ou devant un beau spectacle, ou pendant que nous agissons, ou pendant que nous méditons ou, réfléchissons sur une question donné, sur un problème, même pendant le souvenir, le regret, le remords, il y a dans notre esprit une part important de rêves. Ces rêves et flocons de rêves — car il en est d'écharpillés et de baroques, comme parmi les rêves du sommeil — ont trait à des événements passés, à des visages disparus, à des paroles prononcées devant nous et qui ont eu, en nous, une résonance. (...) L'homme rêve constamment et baroquement, même à l'état de veille ; mais la présence et l'intégrité du jugement, joints aux spectacles du monde extérieur, lui masquent cette perpétuelle songerie. (...) Le rêve doit être ainsi considéré, selon nous, comme un passage continuel, à l'horizon mental, de lambeaux de souvenirs, d'images de toute sorte, elles-mêmes fragments de personnes héréditaires, d'éléments disparates et innombrables du moi ; et aussi de prémonitions, d'avertissements et d'intersignes d'une réalité indiscutable, dont le mécanisme nous est totalement inconnu.

Léon Daudet, Le rêve éveillé. Étude sur la profondeur de l'esprit, Bernard Grasset, Paris, 1926

For the normal person, the waking dream (which is so greatly misunderstood) exists almost permanently. Even when we are conversing with someone, or admiring a beautiful view, or doing something, or pondering or reflecting on a given issue, on a problem, even during remembrance, regret, remorse, there exists in our spirit a significant share of dream. These dreams and wisps of dreams — for they are tangled and baroque, the same as dreams during sleep — relate to past events, vanished faces, words spoken to us that have left their resonance in us. (...) A person dreams in a manner constant and baroque, even when awake; but the presence and wholeness of the judgement, combined with the sights of the outside world, mask this perpetual dreaming from him. (...) In our opinion, the dream should therefore be regarded as the continuous passage along the mind's horizon of shreds of memories, images of every kind, themselves scraps of hereditary persons, of the disparate and countless elements of the "I", and likewise of premonitions, warnings and forebodings of an indisputable reality, whose mechanism is wholly unknown to us. 



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